Dans le prolongement du principe du plan libre initié par l’architecte Le Corbusier
et développé dans le monde du design dans les années 1970 par l’italien Ettore
Sottsass avec ses modules fonctionnels, Simon Thiou projette à l’hôtel Le
Cambronne la concrétisation d’un mode de vie utopique où chaque fonction vitale
quotidienne est placée dans un container.
Le point d’orgue des réflexions sur l’évolution de l’environnement domestique
apparaît en 1972 lors de l’exposition culte Italy : The New Domestic Landscape au
Museum of Modern Art de New-York dans laquelle des designers italiens proposent
de nouvelles manières d’habiter à travers des environnements utopiques.
Ettore Sottsass produit alors une série de pièces à vivre conçues pour tenir dans
des containers. Les meubles – une douche, des toilettes, une armoire à vêtements,
un espace de lecture, un juke-box, une bibliothèque – sont sur roulettes. La
réflexion porte sur la modularité des éléments qui peuvent se combiner entre eux.
Au-delà des aspects fonctionnels et utilitaires du design, celui-ci est alors pensé
comme un nouveau mode de vie : décomplexé, nomade, il est amené à se
transformer au gré de l’évolution de la société.
À l’hôtel Le Cambronne, Simon Thiou, en appréhendant l’espace comme une feuille
blanche, s’empare du lieu en donnant corps à ces réflexions sur l’environnement
domestique.
Resté à l’état d’utopie – étymologiquement « en aucun lieu » – Simon Thiou adapte
ce principe à l’espace réel : celui d’une chambre d’hôtel qui est de fait un endroit
de passage, souvent impersonnel.
Il propose ainsi, le temps d’une nuit, une véritable expérience de l’espace vital.
Seules images, trois lithographies de monolithes ponctuent l’espace. Ces
photographies à l’apparence de pierres, retranscrites elles-mêmes par un procédé
utilisant la pierre lithographique, demeurent énigmatiques.
À chacun de s’approprier la chambre comme un plan libre à agencer à sa guise.
Il suffit de déplacer les modules contenant chacun une ou plusieurs fonctions pour
les disposer à sa convenance dans l’espace.
Des prises placées à intervalles réguliers dans la chambre permettent de se relier
électriquement aux modules qui le nécessitent.
Pour concrétiser cette expérience de la cellule vitale, Simon Thiou choisit de
concevoir la chambre et ses éléments de mobilier dans un niveau de noir et de gris.
Comme dans une grotte ou tout autre univers propice à l’introspection, l’artiste
vous incite à projeter de nouvelles réflexions et rêveries…